Folcie - La forêt éloignée

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'100' : 62

Alvar ne s'attendait pas franchement à pareille attaque, encore sous le coup de sa victoire et donc sans doute un petit peu relâché et suffisant, il ne voit pas venir Thaïs lorsque cette dernière, fendant les gerbes d'eau qu'il lui envoie, lui saute dessus en poussant un cri de guerre.

Le Félonis, un peu surpris, tente de nager vers l'arrière pour l'éviter mais il ne réagit que trop tard et Thaïs est déjà sur lui. Il n'a pas le temps de faire quoi que ce soit que les mains de la Métrienne s'appuient à l'unisson sur ses épaules, lui coulant cette dernière alors qu'il allait prendre sa respiration.

Alvar remonte aussi bien que possible à la surface en toussotant, il doit reconnaître qu'elle l'a bien eue. Secouant ses oreilles, il cherche Thaïs du regard, cette dernière est entrain de fuir pour éviter d'avoir à subir les conséquences de ses actes.

"Dis donc, je te savais pas mauvaise perdante!" Si tel était le cas en tout cas ça leur faisait un joli point commun.

Prenant appui avec sa queue en plus de ses pieds, Alvar se propulse vers l'avant pour essayer et lui aterrir sur le dos et l'entraîner avec lui vers le fond histoire d'avoir sa revanche... Enfin histoire d'avoir le dernier mot surtout.

-jet de dé-

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'100' : 40

L’apercevant, plus que le voyant venir, la Métrienne se téléporte derrière le Félonis au moment où il aurait dû lui arriver sur le dos pour la couler. Et cette dernière ne se gêne d'ailleurs pas pour se moquer de lui, histoire d'en ajouter un peu à sa petite vengeance.

- Tout le monde sait que les chats savent pas nager ! T'en es la preuve !

Et elle se met à rire, toute fière d'elle, tout en reculant un peu, se doutant que ses propos vont lui rapporter quelques désagréments.

- Bouuh, le chat il aime pas l'eau !

Alvar avait bien calculé son timing, il était plutôt sûr de lui: entre l'impulsion de sa queue et celle de ses deux jambes il n'allait avoir aucun mal à atteindre Thaïs: cette dernière n'était pas si loin que cela. Le Félonis s'éleva donc, presque à l'horizontale au dessus du niveau de l'eau.

Néanmoins au moment où il allait aterrir sur Thaïs pour la couler, cette dernière se téléporta et il fit un plat monumental... Et non, un chat ça n'aterrit pas toujours sur ses pattes. Le Félonis se releva juste à temps pour entendre la Métrienne, sans nul doute fière de son coup, jubiler.

"Eh, c'est de la triche, t'as utilisé tes pouvoirs!"

Puis Alvar s'approcha lentement d'elle. Il pensa un moment à nager en sa direction mais elle aurait le temps de se téléporter avant qu'il ne l'atteigne. Il utilisa donc sa télépathie pour la faire se retourner en lui signalant un danger derrière elle puis il lui sauta dessus pour l'enserrer et l'emmener avec lui sous l'eau.

-Encoooooore è_é (d100)-

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'100' : 57

Le plan d'Alvar s'avère bon, il marche même à la perfection puisque le Félonis parvient à ses fins, il enserre Thaïs en souriant et, comme il avait sauté hors de l'eau pour fondre suffisamment rapidement sur elle, il l'entraîne avec elle sous l'eau.

Le Félonis la sent se débattre mais très rapidement, le corps de Thaïs passe au stade de poupée désarticulée. Sentant le problème, le Félonis la remonte immédiatement à la surface, le coeur battant à tout rompre. Il réalise vite que cette dernière a sombré dans l'inconscience.

Faisant tout pour éviter de céder à la panique, Alvar dépose Thaïs sur son torse et la remorque jusqu'au bord en faisant la planche. Il l'allonge ensuite sur la berge et la secoue en espérant la voir réagir.

"Thaïs! Thaïs! Tu m'entends?!" Sa voix est aussi calme que possible mais on sent percer une réelle pointe de panique.

Pendant tout le trajet, la Métrienne ne bouge pas, ne réagit pas. Lorsqu'il la pose sur la berge et la secoue, il se rend compte qu'elle ne respire même plus. Il y a vraiment un problème...
Finalement Thaïs ouvre les yeux et elle éjecte l'eau contenu dans ses poumons en arrosant le Félonis.
Elle se redresse et soulève son tee-shirt, dévoilant sur ses côtes, des branchies...

- J't'assure que ça fait pas du bien d'être à l'air avec ça ! Et encore moins avant d'arriver à les mettre ! J'ai cru que j'allais pas y arriver et tomber dans les vapes avant !

Elle plisse les yeux, regardant Alvar.

- Mais... T'as eu vraiment peur toi ! C'est mignon !

Le Félonis crut que son propre coeur allait s'arrêter lorsqu'il sentit que la Métrienne ne respirait plus. Manifestemment il ne s'agissait pas juste d'un petit problème, cette dernière était réellement en danger. Le coeur d'Alvar battait à tout rompre et il sentait ses mains commencer à trembler.

Mais soudainement les yeux de Thaïs s'ouvrirent, le faisant presque sursauter, et elle lui projeta à la figure un jet d'eau qu'elle avait conservé dans sa bouche. Accroupit, le Félonis bascula en arrière, autant sous le coup de la surprise que du fait du jet d'eau. Finalement Thaïs lui révèla le 'truc': elle portait une paire de branchie ce qui expliquait l'absence de respiration.

Le Félonis recouvrait lentement son souffle alors qu'il réalisait que la Métrienne n'était pas en danger. Posant sa main sur son ventre il faisait en sorte de retrouver son calme et sa lucidité habituelle. Thaïs lui lança une petite pique et le Félonis fronça les sourcils.

"Evidemment que j'ai eu peur! J'ai cru que tu allais mourir, tu voulais quoi: que je te laisse couler au fond du lac?"

Etait-il vexé ou bien affecté? En tout cas le Félonis se releva et se dirigea vers les vêtements qu'il avait semé sur le chemin, secouant la tête pour s'ébrouer

"J'ai plus envie de me baigner." Conclut-il en les ramassant un à un. Il lui fallait attendre de sécher un peu pour se rhabiller.

La Métrienne n'en revient pas, elle le regarde ramasser ses vêtements, les yeux écarquillés. C'est qu'il fait la tête ! En fin de compte, ils ne sont pas si différent l'un de l'autre. Elle aussi a boudé pour pas grand chose, enfin pas grand chose aux yeux des autres, dans le vaisseau.

Elle fait disparaître les branchies qui commencent à devenir vraiment douloureuse, au moins elle comprend les poissons maintenant. Puis elle se lève et rattrape le Félonis.

- Hey attends !

Thaïs lui prend le poignet pour le forcer à s'arrêter et à se retourner avant de baisser le visage.

- Écoute. Je suis désolée. Je voulais pas te faire peur. J'ai eu peur moi aussi lorsque je me suis retrouvée sans air... Je fais souvent des trucs bêtes qui peuvent faire du mal sans que je le veuille. Et... Je m'en rends compte souvent trop tard. Alors... Je te demande pardon...

Elle a l'air de vraiment s'en vouloir et n'ose même plus relever la tête, au moins, ça prouve sa sincérité.

Alvar s'était certes déjà mieux porté. En fait rares étaient les personnes auxquelles il avait accordé sa confiance dans son existence... Finalement Thaïs était peut être la seule à qui il serait prêt à faire une réelle confiance... Ainsi le fait qu'elle se soit joué de lui l'avait au minimum irrité, au pire franchement affecté.

Le Félonis ramassait donc les vêtements les uns après les autres, les sourcils toujours résolument froncés. Il allait arriver au bout de la chaîne de vêtements lorsque Thaïs l'interpella et vint lui prendre le poignet pour le forcer à se retourner.

Elle lui présenta ses excuses et Alvar eut un peu l'impression de se retrouver dans la situation inverse de celle qui avait eu lieu sur le vaisseau: il réalisa que la Métrienne ne pensait sans doute pas à mal mais qu'il avait exagéré les choses un peu comme elle l'avait fait sur le vaisseau.

Alvar se mordit donc la lèvre inférieure et releva la tête de Thaïs en passant son index sous son menton.

"C'est rien, c'est oublié, j'ai seulement eu très peur tu vois... Normalement c'est pas trop mon truc de m'inquiéter pour les gens, tu sais la vulnérabilité tout ça alors quand j'ai compris que j'avais fait tout ça et que c'était juste une blague..."

Alvar désigna la berge.

"Allez, viens, on va sécher au soleil! Et puis j'ai toujours pas décidé de ton gage alors j'ai amplement de quoi me venger!" Conclut-il en riant.

Ne s'attendant pas au geste du Félonis, Thaïs se met à rougir un peu lorsqu'il lui relève la tête. Les propos que tient Alvar ne sont pas là pour diminuer sa gêne, après tout, la seule personne, jusqu'à présent, qui s'est inquiétée pour elle, est Lorevine, alors ce qu'il lui dit la touche beaucoup.
Elle sourit un peu en se rappelant se foutu gage puis lui lâche le poignet et se rapproche un peu de lui pour déposer un baiser sur sa joue.

- Je suis vraiment désolée.

C'est ensuite à son tour d'aller récupérer ses quelques affaires éparpillées avant de regagner la berge et de s'allonger au soleil.
La jeune fille tourne son regard vers Alvar en marmonnant.

- Tu fais pas un gage méchant, hein.

Alvar rougit légèrement lorsque Thaïs dépose un baiser sur sa joue, un peu troublé par cette preuve d'affection. Les remords de Thaïs semblent tellement sincères au Félonis qu'il commence un moment à se sentir coupable d'avoir réagit aussi fortement.

Le coeur plus léger de s'être réconcilié avec la Métrienne, Alvar retourna s’asseoir sur la berge et regarda Thaïs réccupérer les siennes avant de venir s'étendre à ses côtés, un peu boudeuse d'avoir à effectuer un gage alors qu'elle était elle-même celle qui avait décidé de l'enjeu.

Le Félonis resta un moment là à sécher au soleil.

"C'est agréable, j'ai jamais eu l'occasion de vraiment vivre en extérieur, c'est pas désagréable quand on a l'occasion d'avoir des paysages comme celui là!"

Alvar se retourna sur le ventre et appuya sa tête sur sa main droite, coude au sol. Il regarda Thaïs un moment avant de lui demander.

"Dis moi Thaïs, tu m'as dit que tu me suivais parce que tu n'avais pas vraiment d'autre chose à faire, tu n'as rien que tu souhaites poursuivre toi-même? Tiens, c'est ton gage,moi par exemple je souhaiterai savoir comment la Terre a pu succomber à la nature, dans quelles circonstances. Dis moi s'il n'y a pas quelque chose qui te fait rêver." C'était pas trop méchant comme gage...

Quelque chose qui la fait rêver. La Métrienne tourne la tête vers Alvar. Pour lui, le gage n'est pas bien méchant mais pour la jeune fille, c'est autre chose. Parler de son rêve veut dire s'ouvrir un peu, se dévoiler encore, et cela lui demande un gros effort.
Thaïs détourne le regard, le fixant sur le ciel au dessus d'eux, certainement pour pouvoir parler avec plus de facilité, sans être gênée par le regard d'Alvar sur elle et elle prend une longue inspiration.

- Ce que je souhaite... Mon rêve...

De nouveau un temps de silence, à croire que cela est bien plus difficile encore qu'il n'y paraît.

- Je voudrais juste... Avoir une vie normale. Être avec ceux que j'aime. Sans trahison, sans fuite, juste... Une vie toute simple. Me lever le matin, prendre un petit déjeuné avec... Avec celle qui est comme ma sœur. Allez dans une école réputée, retrouver mes amis, rentrer le soir et raconter ma journée toute banale, me faire disputer, prévoir les sorties des jours qui arrivent... Juste ça...

Le regard est brillant et sur la fin, les mots ont un peu de mal à sortir, elle tourne le visage et pose son bras sur ses yeux qui se ferment, peut être pour cacher les émotions que fait naître ce souhait.

Alvar était attentif aux réponses de Thaïs, il y avait bien longtemps (enfin bien longtemps...) qu'il avait confiance en cette Métrienne et qu'il ne cherchait plus à la connaître pour percer ses motivations. Il avait plus le sentiment qu'il apprécierait d'apprendre un peu à la connaître puisqu'il la considérait comme une amie (pour le peu qu'il connaissait de l'amitié).

Il s'était rendu compte dans le vaisseau que Thaïs était une personne autrement plus compliquée que ce que sa joie de vivre laissait paraître et il désirait gratter un peu voir qui se trouvait vraiment sous le verni. Il ignorait si elle s'y prêta parce qu'elle considérait cela comme un devoir du fait du gage ou bien s'il s'agissait d'une marque de confiance de sa part mais elle lui expliqua un petit peu ce qu'elle souhaitait.

Le rêve de Thaïs pouvait paraître d'une banalité sans nom, ce qu'elle souhaitait n'était ni plus ni moins qu'une vie normale, une vie pas si loin de celle qu'avait pu vivre Alvar si l'on exceptait l'absence totale d'affection à laquelle il avait été soumis.

*Avec sa soeur, avec Lorevine sans doute... Et sans fuite... Donc différemment d'aujourd'hui.*

Alvar aurait souhaité pouvoir lui dire qu'il pouvait le lui offrir, néanmoins il savait bien qu'il ne savait rien des personnes auxquelles la Métrienne avait pu se trouver confrontée, et il savait que si une éveillée n'était pas capable de lui offrir cette vie, alors ce n'était sans doute pas dans ses cordes non plus...

"En fait je pensais que tu étais en voyage d'agrément avec moi, que tu passais le temps en t'amusant de tout. Je n'avais pas perçu que tu étais tout autant fugitive que moi..."

Le félonis se leva en souriant.

"Ecoute, je possède le quart d'une planète, celle-ci n'est sur aucun écran radar, il y a donc fort à parier pour qu'elle soit relativement tranquille... Bon, ça veut sans doute aussi dire qu'il n'y a pas de super université là bas hein on peut pas tout avoir. Mais quand cette affaire sera tirée au clair... Bon, et quand je saurais moi-même où elle se trouve... Bon, et si elle est agréable à vivre...

Bref ça fait un paquet de circonstances mais quand on en aura fini avec tout ça, toi et Lorevine, vous serez les bienvenues là bas!" Conclut-il en s'asseyant en tailleur en face de Thaïs et en lui tendant la main, un grand sourire aux lèvres supposé retirer la triste moue du visage de thaïs. "Marché conclu?!"

*Finalement c'est pas si mal d'être sympa avec les gens...*

Au moment où il se lève, la Métrienne se redresse et en profite pour effacer de ses joues les traces humides qu'on put laisser ses quelques larmes. Elle n'aime pas devoir se montrer sous ce jour, cela lui rappelle trop de souvenirs qu'elle tache chaque jour de mettre de côté pour mieux affronter la réalité.
Thaïs écoute les paroles du Félonis et il lui arrache presque un sourire. Cependant, lorsqu'il s’assoit devant elle, lui tendant la main, elle baisse le visage quelques instants.

- Ce n'est qu'un rêve... Les rêves ne sont pas fait pour être réalisés. Elle m'a déjà prévenu... La route de son destin n'est pas fait pour être à côté de la mienne et de par ce qu'elle est, ce qu'elle doit faire, je dois continuer seule, sans elle, même si je ne le souhaite pas.

Un haussement d'épaule négligé, la jeune fille respire un grand coup et se force à sourire.

- C'est quoi ton histoire de planète que tu trouves pas ? C'est une blague pour tenter de me remonter le moral ? J'en ai pas besoin tu sais ! Mais c'est gentil à toi. Ça me touche beaucoup !

Le Félonis fronce franchement les sourcils lorsqu'il entend le fatalisme avec lequel Thaïs envisage son propre avenir. Cette dernière paraît évoquer l'avenir comme s'il était déjà écrit, c'est ce qu'il déteste avec cette notion de destin: on a tendance à croire que les choses sont comme elles sont parce que c'est ainsi qu'elles doivent l'être et on ne fait rien pour les faire évoluer dans le sens qui nous conviendrait le mieux. Le Félonis fixe le sol d'un air profondément énervé et répond sans détourner le regard de ce sol.

"Toutes ces histoires de destin c'est rien que des conneries! Le futur c'est pas le passé: c'est pas quelque chose de gravé dans le marbre et qu'on ne peut plus modifier: c'est au contraire quelque chose qu'il reste à écrire. En suivant ce qu'on estime être notre destin, on ne suit pas sa voie: on suit la voie que la personne qui nous a dicté notre destinée a tracé pour nous!"

Le Félonis serre le poing et continue.

"Mon destin à moi ça aurait dû être de prendre la suite de mon père à la tête de l'entreprise familiale, du moins c'est ce que ce dernier avait choisi à ma place... Et bien aujourd'hui je suis sur Nutesu entrain de suivre ma propre voie! Ce n'était pas mon destin, c'était ce que certaines personnes voulaient voir comme étant mon destin.
Alors je ne sais pas qui vous a mis dans la tête qu'il vous était impossible de vous retrouver Lorevine et toi mais je peux t'assurer que cette personne se situe un niveau en dessous de ce qu'est le vrai destin, qu'elle ne sait rien sur rien... Ou pire: qu'elle en sait tellement qu'elle croit tout savoir alors que ce n'est pas le cas!"

Alvar se leva et croisa les bras, comme si ses paroles avaient renforcé sa résolution. Il cligna cependant des yeux à la dernière remarque de Thaïs.

"Une blague? Je ne suis pas du genre à plaisanter, je peux t'assurer que tout ce que je dis est vrai, je n'ai pas l'habitude de parler dans le vent... Enfin bon, on en saura sans doute plus une fois que j'aurais pu me renseigner sur Leeras. Alors pour le moment oublie ça ou plutôt range le dans un coin de ta tête parce que, si tu souhaites poursuivre le voyage avec moi, je compte bien faire en sorte que ce soit l'une de nos prochaines destinations!"

Bien que les paroles d'Alvar sont réconfortantes, véritables et pleine d'espoir, la Métrienne baisse les yeux et secoue légèrement le visage avant de se lever et de s'avancer au bord de l'eau.

- J'aimerais tant pouvoir changer sa route à elle. Mais elle l'a choisi ainsi. Elle a choisi de mourir pour des valeurs qu'elle veut défendre. Je ne peux rien y faire. Peut être même qu'à l'heure où nous parlons...

Thaïs lève les yeux au ciel.

- Non... Elle a promis que si cela devait arriver... Qu'elle me ferait parvenir un message. Mais même si elle est encore en vie, je ne peux pas savoir où elle est et je ne peux pas interférer, je ne peux pas agir pour qu'elle continue de vivre.

Un bruit leur parvient aux oreilles et sortant des bois, l'homme aux katanas...

- Moi je le peux...

Sa voix est suave et rassurante, aussi agréable qu'un rossignol qui chante en pleine forêt. Elle inspire confiance et respect, tout comme son apparence. Et il sourit...

La jeune fille se tourne vers lui et fronce les sourcils, visiblement contrariée.

- On t'a jamais dit que c'était mal d'écouter aux portes ?!

Elle s'éloigne pour aller s'asseoir sur un rocher non loin, tout en lançant.

- C'est à cause de toi, Syato, enfin à cause de vous trois qu'elle a choisis de mourir, alors me raconte pas de conneries.

- Cela fait partie de mon existence d'avoir des oreilles partout jeune fille... Et détrompe toi, elle ne mourra pas, du moins, pas tout de suite. Mais je pense qu'il serait plus correct de me présenter à ton jeune compagnon.

Il s'incline respectueusement, une main posée sur le cœur.

- Je suis Syato, Gardien de la vie. Je suis content de te croiser enfin, Alvar, cependant, je tiens à t'avertir que je ne pourrais pas répondre à toutes les questions qui te trottent dans la tête. Je crains qu'elles ne soient trop nombreuses.

Ainsi le soucis ne venait pas d'une quelconque destinée imposée aux deux filles ou une quelconque chose du genre: visiblement Lorevine avait choisi de combattre pour ses idéaux et cette voie qu'elle avait dû emprunter l'avait conduite vers une existence dans laquelle il n'y avait pas de place pour Thaïs. Le Félonis trouvait cela un petit peu égoiste de la part de l'éveillée mais comme il savait que critiquer Lorevine ne plairait pas à la Métrienne, et surtout comme il savait qu'il ignorait complètement la situation des deux femmes, il préféra s'abstenir.

Le Félonis sursauta toutefois lorsqu'une voix s'éleva dans son dos... Décidément il faudrait qu'il travaille encore un petit peu sur son don: il n'avait de cesse d'être pris à revers et pour un Félonis c'était plutôt embarassant. Mais il n'était pas au bout de ses surprises car la personne qui venait de parler n'était ni plus ni moins que l'homme aux katanas qui les avait aidé à sortir de la résidence.

Alvar fut une nouvelle fois surpris d'entendre la métrienne s'adresser à l'homme comme si elle le connaissait. Enfin il fut au comble de la surprise quand il apprit que l'homme aux katanas et Syato n'étaient en fait qu'une seule et même personne.

Le gardien se présenta à lui comme si leurs routes ne s'étaient jamais croisées et Alvar allait lui faire une réflexion sur le fait que ce n'était pas le cas quand il se souvint que le gardien lui avait demandé de garder le silence sur son intervention dans la résidence. Silence qui devait naturellement s'appliquer à Thaïs et qui expliquait l'attitude du gardien.

*Mais alors pourquoi m'avoir envoyé Thaïs s'il était capable de me faire sortir lui-même de la résidence... Et nul doute que ça ne lui aurait pas posé le moindre problème!*

Le Félonis adressa un signe respectueux de la tête à Syato.

"Heureux moi aussi de pouvoir rencontrer celui qui semble être mon bienfaiteur... Enfin le commanditaire de mes bienfaiteurs... Comme vous vous en doutez j'ai bien un demi millier de questions à vous poser... Alors comment on fait? je vous envoie tout ça par mail à vous ou à votre secrétaire?" La petite touche d'humour était en fait là pour détendre un petit peu le Félonis: ce dernier devait bien avouer que la présence du gardien avait quelque chose de stressant. Il se donna le temps de cette petite introduction pour ordonner ses idées et choisir ses premières questions.

C'est un rire agréable et doux qu'offre Syato au Félonis avant de lui répondre sur un ton amusé et de confidence.

- Je doute que les éveillés apprécie de voir leur travail résumé à répondre à un mail composé d'un demi millier de questions.

Le Gardien tente aussi de détendre Alvar en rentrant dans son jeu, nul doute qu'il sent la petite pointe de stresse qui le parcours. Et cette fois, c'est pas télépathie qu'il s'adresse à lui, répondant à la question silencieux qu'il a formulé.

** - Je te l'ai envoyé parce qu'elle a besoin de toi... Comme toi, tu as besoin d'elle. **

Puis il reprend à voix haute, comme si rien n'a été dit autrement.

- Leeras va répondre à un bon nombre de tes questions. Mais je sais que cela ne suffira pas. Si tu restes suffisamment longtemps auprès de Rukas, tu vas pouvoir rencontrer un certain nombre de personne qui pourront ajouter des réponses, te mettre sur des pistes. Moi, je n'ai pas le droit, pour le moment de faire plus pour toi. Quand viendra l'heure, je resterai à tes côtés un peu plus longtemps. Mais... Je t'accorde cependant une question...

Il retrouve son charmant sourire, et pose une main détendue sur la garde d'un de ses katanas. Thaïs reste dans son coin, ne semble pas écouter, elle ramasse des pierres et les lance dans l'eau depuis le rocher où elle a pris place.

Le ton détendu du gardien permit à Alvar d'être un petit peu moins anxieux lui-même. Il ne s'attendait pas à ce qu'une personne aussi importante puisse être aussi accessible... D'ailleurs il se demandait même comment ce dernier pouvait avoir même du temps à lui accorder étant donné la quantité d'affaires qu'il devait avoir à gérer.

Le Félonis secoua ses oreilles lorsqu'une voix résonna dans sa tête. Il s'agissait de Syato qui lui parlait par télépathie... Et manifestement il était aussi dans ses cordes de lire dans les pensées. Le Félonis sourit et répondit par la pensée... Juste parce que ce mode de communication inhabituel avait quelque chose d'amusant.

*Oui, et je doute aussi que les éveillés apprécient de se voir considérés comme des secrétaires...*

Le gardien lui expliqua ensuite qu'il trouverait des réponses à Leeras, ce qui fit se dire à Alvar qu'il était toujours sur la voie qui avait été tracée pour lui par le gardien... Qu'importe, tant que cela le menait à des réponses, il saurait s'en satisfaire. Néanmoins la perspective de rencontrer Rukas paraissait se préciser.

Quand il eut terminé d'enmagasiner les informations, Alvar hocha la tête et se mit à réfléchir sur le point qui avait été abordé en conclusion par le gardien: la seule et unique question. Le Félonis s'assit à son tour sur un rocher et se prit le menton entre le pouce et l'index, réfléchissant à la question qui lui semblait la plus importante et à laquelle le gardien pourrait le plus sûrement et complètement répondre. Il conclut le tout par un hochement de tête.

"Très bien, alors voilà ma seule et unique question: Qui suis-je pour vous? Qu'est-ce qui justifie que vous mettiez autant d'énergie à guider mes pas?" De toutes les questions, c'était sans doute la plus brûlante dans l'esprit d'Alvar.

Le Gardien attend patiemment, d'ailleurs, sa patience fait penser étrangement à celle des Centaures... Et alors qu'il écoute la fameuse question du Félonis, aucune expression ne change les traits de son visage dont les lèvres garde toujours le même sourire qu'à son arrivée.

- Il y a plusieurs réponses à cette question... Tout d'abord, je pense à mon côté altruiste. Ensuite, j'ai envie de dire que cela fait partie de mon travail. Je me dois de veiller sur la vie de chaque personne, que celle-ci soit en bien ou en mal. Et... Pour finir.. Je crains de ne pouvoir répondre en toute honnêteté, cela pourrait être dangereux pour toi et perturberait la courbe du temps. Cependant, très bientôt, tu pourras répondre toi même à cette question.

Syato se dirige vers la Métrienne et pose une main sur son épaule.

- Fiche moi la paix. J'ai fait ce que tu voulais, maintenant on est quitte.

- Ne soit pas si agressive, Thaïs. Tu sais très bien ce que Lorevine et toi, êtes pour nous. Toutes les deux, vous vous méprenez sur nos intentions mais vous comprendrez bientôt. Elle ne mourra pas maintenant, je te le promets.

Thaïs se détourne et continue à lancer ses cailloux. Le Gardien baisse le visage en poussant un soupir avant de revenir vers Alvar.

- Je vais devoir prendre congé. Mais je reviendrai. Lorsque l'un d'entre vous aura besoin de moi...

De nouveau, il s'incline, une main sur le cœur, puis il fait demi-tour et avance tranquillement en direction des bois.

Aucune des premières réponses apportées par le gardien ne convainquent le moins du monde Alvar, ce dernier sait bien le nombre de vie qu'il y a dans l'univers et il se doute bien que le gardien ne passerait pas autant de temps à s'occuper d'une seule s'il n'y avait pas une réelle raison, tout professionnel et altruiste soit-il.

Finalement le gardien en arrive à la vraie raison de ces tergiversations, il estime tout simplement que la réponse ne peut pas lui être donnée sans que cela n'influe sur la courbe du temps... La courbe du temps ou plutôt le cours que les gardiens veulent donner aux évènements. On ne peut pas dire que le libre arbitre soit quelque chose qui leur importe énormément...

"Mais alors si je comprend bien j'ai le droit à une seule question à laquelle je n'ai pas eu de réponse..." Conclut-il en haussant les épaules un petit peu excédé alors que le gardien se détourne et va voir Thaïs. Cette dernière ne paraît pas être moins agacée que lui. Elle semble même être passablement énervée.

Le Félonis écoute avec attention la discussion qui suit avant que le gardien ne revienne vers lui et lui explique qu'il était temps qu'il prenne congé.

" 'ce que vous êtes pour nous', 'elle ne mourra PAS MAINTENANT', est-ce qu'on est des pions sur un échiquier pour vous ou quoi? On avance à l'aveugle en suivant les directions que vous nous donnez et on demande à en savoir le moins possible c'est ça?"

Alvar poussa un soupir d'impuissance en secouant la tête et revint s'assoir à côté de Thaïs.

"Eh, ça va?" Lui en tout cas n'allait pas, il pensait que tout cela s'éclaircirait lorsqu'il rencontrerait le gardien mais en fait il n'avait pas répondu à une seule de ses interrogations, plus que jamais Alvar avait le sentiment qu'un autre décidait de son destin.

C'est une nouvelle fois par télépathie que Syato s'adresse au Félonis alors qu'il s'éloigne tranquillement.

** - Tout le monde meurt un jour, certain plus vite que d'autre. Thaïs craint que Lorevine ne parte à la mort dés maintenant mais ce n'est pas le cas. Quand à ce qu'elles sont pour nous, c'est à elles qu'il faut demander. Vous n'êtes en rien des pions, vous êtes tout aussi important que nous. **

Le silence dans son esprit, tout comme autour d'eux. Le Gardien est reparti.
La Métrienne se tourne vers Alvar et se force à sourire.

- Oui. Oui, oui, ça va.

Voilà pourquoi elle n'aime pas parler du passé, car chaque souvenir n'apporte que douleur. Elle baisse le visage et se rapproche un peu du Félonis pour pouvoir poser sa tête contre son épaule.

- Au moins, on sait qu'on fait pas de conneries en allant à Leeras. On dérangera pas le Prince pour rien.